Comment se termine la Carretera Austral? Cette route de 1500km qui arpente la Patagonie Chilienne?
Depuis le début de notre aventure sur cette route, nous avons traversé des forêts sauvages, contourné des fjords, admiré un glacier suspendu, pris un petit dejeuner avec quatre autostoppeurs Français dans une forêt enchantée, rencontré deux Allemands vivant complètement isolés sur une route menant nulle part. Il nous a fallu plusieurs jours pour arriver au village de Cochrane (600 habitants), dernière étape pour se réapprovisionner, le sud promettant d’être encore un peu plus sauvage. Qu’allons nous y trouver?
Nous avions rencontré Katrin et Thomas et leur parcours nous avait impressionné. Ils nous avaient parlé d’une amie Allemande qui tenait une sorte de gite le long de la carretera australe, à 15km par une piste, au sud de Cochrane. Le gite était situé au coeur d’une vallée avec la promesse de la tranquillité au milieu de la nature. Et l’idée nous a bien tenté.
En descendant après Cochrane, nous avons trouvé l’embranchement et parcouru les 15km de piste à travers des champs, des fermes, un pont suspendu bien fragile pour notre grosse voiture, contourné les arbres arrachés au milieu du chemin… nous arrivons au paradis. Dans une petite estancia, un jeune bûcheron Chilien et sa femme Allemande proposent aux visiteurs de loger dans un gite isolé au fond de leur terrain. Deux dortoirs, une pièce commune (nous étions seuls donc c’était un peu notre salon) avec cuisinière au feu de bois. Pas d’électricité, éclairage à la bougie, juste de quoi profiter des environs, du silence, de la nature, de se poser et de prendre son temps.
Quelle drôle d’expérience que d’être coupés du monde. Sans distraction télévisuelle, informatique, internet ou autre, on prend le temps de se retrouver, de penser, d’écrire, de réfléchir plutôt que de subir les tonnes d’informations auxquelles nous sommes habituellement confrontés.
Nous resterons un peu plus longtemps que prévu dans ce petit paradis mais nous voulons reprendre notre voyage malgré tout car il nous reste beaucoup de route, beaucoup de gens que le destin a placé sur notre route et que nous voulons rencontrer mais nous prenons quelques résolutions de cette expérience: s’éloigner de la ville, se rapprocher de la nature -qui devient vite bien plus qu’un simple concept quand on y passe un peu de temps. On a tendance à oublier, en ville l’existence de cette nature qu’on cherche à protéger du réchauffement climatique, ici, on vit selon la nature, sans vouloir la contrôler mais plutôt en harmonie- essayer de se déconnecter un peu des réseaux virtuels, grosse problématique pour des « blogueurs voyage » (c’est peut être pour ça aussi que nous ne sommes pas toujours hyper assidus dans l’exercice)
Fort de tous nos nouveaux principes, nous poursuivons notre route vers le sud. Objectif Caleta Tortel, un village de bûcherons et de pêcheurs sans route mais uniquement construit sur le flanc d’une colline au bord de l’eau et dont les maisons sont reliées par des passerelles en bois. A partir de ce point, la carretera se transforme en cul de sac, nous devrons remonter à Cochrane quoi qu’il arrive pour franchir la frontière vers l’Argentine. On entame donc les 160km de piste jusqu’à Tortel.
Que dire de plus sur Tortel? Ils sont autonomes énergiquement grâce à des turbines qui fonctionnent quand il pleut. S’il fait beau, pas de courant. Les habitants vivent donc de la pêche et du bois mais également du tourisme, même si on est loin du pic de fréquentation du Machu Picchu.
A vrai dire, on a été un peu déçu de Tortel. Tout le monde nous en a parlé avant, petit village inaccessible, pas de route, juste des passerelles… De quoi fantasmer un village incroyable. Du coup, en arrivant là bas, c’est vrai que c’est exactement comme on nous l’avait dit avant mais on s’est sentis un peu bête d’avoir fait un aller retour de 300km juste pour voir, sans rien avoir a y faire. On en reparlera plus longuement plus tard mais cet aspect voyeuriste du voyage, allant d’étape en étape pour voir sans s’imprégner, sans comprendre, nous déplait fortement.
Et ici, c’est ce qu’on a fait.
Donc on a pas été décu de Tortel, on a été déçu de la raison de notre venue à Tortel. Ce n’est pas la première fois ni la dernière qu’on passera « pour voir » dans certains coins, mais jamais au cours de nos voyages, ces expériences ont été vraiment remarquables.
Tortel n’est pas au bout de la carretera Austral. Le village tout au bout se nomme Villa O’Higgins mais nous n’irons pas car là encore, ça fait une sacrée trotte « juste pour voir ». On n’ira donc pas au bout de la route mais tant pis, on ne cochera pas ceci dans notre liste de lieux « faits ».
Par contre nous allons nous rendre en Argentine. La principale route rejoint Chile Chico, près de Puerto Tranquillo mais Katrin et Thomas nous avaient recommandé de prendre une petite piste à travers un parc naturel rejoignant la frontière au Paso Roballo. Dans un décor de western, nous ne croisons personne excepté quelques guanacos. La piste serpente entre lacs, collines chauves, broussailles, traversant la cordillère des Andes par une large vallée. Nous rejoignons au bout de plusieurs heures le poste frontière de Paso Roballo (comptez une bonne demi heure entre la guérite Chilienne et l’Argentine).
Ainsi s’achève notre parcours en Patagonie Chilienne. Cette région reste un coup de coeur par la beauté de ses paysages et l’accueil de ses habitants. Chacun peut avoir d’une même destination une opinion différente. Bien souvent, cela est lié à ce que l’on y a fait, à ceux que l’on a rencontré… Pour notre part, les expériences vécues ici nous auront grandement impressionnées et nous gardons de cette région un souvenir fort.
Fanou
septembre 23, 2015 at 1:30Merci pour ce beau voyage et cette réflexion très intéressante sur le fait d'être un peu déçus d'avoir fait un détour pour "voir" ce qu'il "fallait" voir. C'est pour moi toute la problèmatique de préparation de mon voyage : dois-je m'inspirer des parcours des uns et des autres pour construire mon itinéraire ? A force de lire et lire et lire (et regarer !) des conseils de voyageurs j'ai l'impression d'avoir déjà fait le tour du monde !!! Il y a des endroits qu'on a envie de voir uniquement sur les impressions des autres mais rien de nous dit qu'on vivra la même expérience... Alors Comment laisser place à l'inconnu et à la surprise de découvrir le petit coin de paradis trouvé au détour d'un chemin ? :)
Maxime Foulon
septembre 24, 2015 at 3:50En effet, c'est un peu la problématique dans un voyage. Les bons moments ne se commandent pas (les mauvais non plus cela dit). La bonne impression qu'on peut avoir d'un lieu dépendent de facteurs variés, la météo, les rencontres, la santé, notre porte monnaie... Nul doute que si on avait parcouru la carretera austral sous une pluie battante complètement malade, nous en garderions un souvenir similaire. Le petit coin de paradis dont on parle nous a été recommandé par deux Allemands rencontrés quelques jours plus tôt, vivant là depuis 15 ans. Des "locaux" donc. L'arrêt n'était pas prévu mais nous l'avons fait quand même. Du coup je peux te suggérer deux conseils: -Ecouter les gens du coin -Prendre son temps et ne pas trop planifier pour se laisser la possibilité de profiter du moment Mais pas trop d'inquiétudes non plus, certes les endroits "à faire" sont ceux qui suscitent une attente et peuvent donc décevoir, mais entre tout ces endroits il se passe beaucoup de choses parfois surprenantes.
Fanou
septembre 29, 2015 at 4:12Merci, je note ces conseils précieusement :)
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